Joan Ayrton & Virginie Yassef, Confiture d'oranges

































Lors de la session 3, Joan Ayrton et Virginie Yassef ont réalisé une confiture d'oranges que nous avons dégustée à la fin de la soirée.

Rébecca Chaillon, Le Monstre de la Femme


Je me sens femmes, quelques heures par jour, j’embrasse mes seins comme s’ils étaient les responsables, je sens mes culottes. Semaine A, je fais glisser les rouges sur mes lèvres, semaine B, j’alterne avec un duvet de poil militant. Je ne suis pas seule en moi, on est des millions, je suis en constante mutation, je cherche mes hommes, mes femmes, mes enfants, mes animaux…ceux qui m’habitent et font que je vois rouge, et me dit noire. Je cherche qui j’écoute, qui j’aime pour la vie, qui me ressemble et ce qui me diffère de toi.

Je suis scorpion signe d’eau ascendant taureau signe de terre, de l’année du buffle en chinois, aigle bleu rythmique en maya née sous la lune auto-existante de la chouette, … ça veut dire que je suis chiante en gros, je suis le mouvement de la lune car je suis composée à plus de 70% d’eau c’est ce qu’on me dit, qu’on me rabâche…je ne suis pas celle que tu crois. Je ne suis pas celle que tu vois. Je dis je dis je dis je dis je… mais c’est plutôt nous que nous devrions dire hein… ?

Nous et moi n’arrivons plus à savoir quoi faire, apprendre à boxer, à réparer des trucs, tout réclamer au service après-vente de l’humanité, pour faire comprendre que rien n’appartient à personne. Quoi ? Nous et moi rendre nos Barbies ? Ça va être compliqué monsieur l’agent, parce que nous et moi aimons bien son entrejambe et nous et moi sommes bien contente qu’elle veuille encore porter une jupe et du maquillage elle…

Je veux bien être féministe, mais parfois j’en perds mon français. Ma dernière claque vient d’Abidjan, j’en avais oublié ma fécondité, mes douloureuses, mon pouvoir de pouvoir faire grossir mon ventre et l’humanité. A tellement faire la brave, j’en avais tué les hommes quand ils s’occupaient de mes cycles, j’en avais tué les femmes quand elles ne se connaissaient pas plus que moi je pensais les connaitre. Je crois en dieu dès que possible, et j’espère que la prochaine étape, c’est la fin de l’apartheid, entre nous et toi.

Accéder au site de Rebecca Chaillon ici : http://dansleventre.com

photos : Emilie Jouvet

Jean-Christophe Arcos, Trouble


« Le public de l’art contemporain est le pire existe. Il est sur-instruit et conservateur, il est là pour critiquer et non pour comprendre, il n’éprouve jamais de plaisir. Pourquoi devrais-je consacrer du temps à travailler pour ce public ? C’est comme de se mettre dans la gueule du loup. »
David Hammons


Ce que TROUBLE fête manifeste

TROUBLE est un projet continu mis en place depuis septembre 2011 pendant les soirées Flash Cocotte à l’Espace Pierre Cardin (Paris) et à la Gare de Congrès (Bruxelles).
En 10 mois, le projet, hébergé et soutenu par les soirées Flash Cocotte, a engendré onze expositions, à Paris et à Bruxelles, lors d’autant de fêtes enfiévrées accueillant des milliers de clubbers.

L’objectif de TROUBLE est d’abord de se confronter à l’imagination des artistes hors de la white box : alors que musées et galeries peuvent protéger les artistes de penser la libre et peut-être sauvage participation du public à la dégradation de leurs travaux (en particulier quand cette dégradation est causée par les visiteurs), TROUBLE éprouve les artistes en ouvrant la porte d’un espace d’exposition inusité, où la confrontation physique entre les corps et les objets est la règle.
C’est dans cette ambivalence, cette polysémie, que ce projet est un « trouble fête » : les artistes ont dû penser de façon radicalement nouvelle la coexistence entre leur travail et leur cadre, et les « party animals » ont dû laisser faire un intrus sur leur propre territoire.

Comment dès lors concevoir de nouvelles formes dans un lieu et un moment déjà comblés de sens, surpeuplés, ne donnant en apparence aucun espace ni aucun temps à une proposition artistique ?

Depuis septembre 2011, Pascal Lièvre, Sammy Stein, Tony Regazzoni, Steffen Müller & Valentina Boneva, Guillaume Constantin, Grégoire Motte, Julien Nédélec, Laure Vigne & Cyril Aboucaya, Pierre Fraenkel et Chloé Curci ont déjà tenté d’approcher cette question, poursuivant dans ce cadre, par différents biais, leurs propres interrogations artistiques et esthétiques.


[…]

Jean-Christophe Arcos, Juin 2012

Lire la suite sur le site internet de Jean-Christophe Arcos : http://jeanchristophearcos.wordpress.com

Lors de la session 3, Jean-Christophe Arcos a parlé de TROUBLE. Il a présenté l'édition qui avait été publiée à l'occasion, il a également montré la vidéo Il n'y a pas de sexe de Pascal Lièvre, réalisée lors d'une soirée Flash Cocotte. Cette vidéo est visible sur le site de Pascal Lièvre : http://www.lievre.fr/ 

Grégoire Motte

Laure Vigna & Cyril Aboucaya

Pascal Lièvre

Tony Regazzoni

Emilie Jouvet

Emilie Jouvet, Too much pussy, film, 2011











Si le désir pouvait se libérer, il n’aurait rien à voir 
avec le marquage préliminaire par les sexes. 
Le désir est résistance à la norme. 
Monique Wittig, La Pensée straight, « Paradigmes»: 81









"Que deviennent les identités de genre ainsi que les constructions du spectre féminin/masculin une fois sortis du système hétéronormé et hétérosexiste ? Quelles sont leurs revendications, leurs implications ? Que devient le désir ? Qu’est-ce-que cela veut dire, être femme, être homme, être ? A quel moment est-on acteur de son corps ? De son art ? De l’art d’utiliser son corps. Comment l’intime se fait public, comme le privé domine les relations sociales, comment le public influe sur nos genres et nos relations sexuelles ? Ce que l’on assume, ce qu’on est au dedans et en dehors. (...)

"A travers son travail de photographe, vidéo et cinéaste, Emilie Jouvet pose un regard, interroge et met en images le désir. Désir d’artiste de s’approprier le monde, désir de féministe de questionner/destructurer des normes, désir de Fem de déconstruire les codes existants. Désir de réinventer un langage visuel qui permet de rendre compte des identités queer. 

"Emilie Jouvet invente un langage propre pour nous guider vers un monde invisibilisé par la culture dominante, celui des Dykes Riot, Grrrrls, Drags, Kings and Queens, wild Fems et Butch torrides… Identités qu’elle découvre et s’approprie en même temps que le féminisme punk des Riot Grrrrls*, lors d’un voyage aux Etats-Unis à 20 ans et auxquelles elle donne une voix et une place depuis. Le courant queer féministe, parti de la fin des années 80, réfléchit la dissolution des frontières entre les genres, et prône la dénormalisation, la déconstruction et une multitude de corps, sexualités, identités. Ce sont ces multitudes que la photographe explore depuis plus d’une décennie. Elle tisse aussi un lien étroit entre féminisme et pornographie et montre, comme Annie Sprinkle, que le féminisme sex-positif peut-être un moyen d’émancipation par et pour les femmes, en faisant de la représentation du corps, du plaisir et de la sexualité des outils politiques dont les femmes et les minorités peuvent s’emparer." 

Severa Irgacheva, Emilie Jouvet, oct. 2013

* Riot grrrrl : mouvement musical à la croisée du punk rock et d rock alternatif aux idées féministes

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Pour la session 3, Emilie Jouvet a présenté deux films. Le premier, The Apple (2008) est une courte vidéo de 6 minutes présentant l’actrice Wendy Delorme habillée en pin-up qui, dans un décor sucré entouré de pommes et de fleurs, se masturbe avec une pomme puis la mange. Wendy est donc Eve qui sans Adam s’approprie seule le fruit défendu et transgresse la loi. Dans un montage qui combine mouvements rapides et ralentis, avec de courts arrêts sur images, le film The Apple raconte l’empowerment féminin qui passe par le désir, un thème central dans le travail d'Emilie Jouvet. 

La seconde projection était un extrait du film Too Much Pussy (2011). Dans ce long métrage, sept artistes performeuses féministes (Wendy Delorme, Judy Minx, DJ Metzgerei, Mad Kate, Sadie Lune et Madison Young) sont réunies par Emilie Jouvet pour faire une tournée dans toute l’Europe d’un show burlesque et sex-positif. Sans script et ni directive, Emilie Jouvet créé les conditions pour qu’émerge par soi-même, dans l’intimité d’un collectif éphémère, l’histoire de femmes qui vivent pleinement leur vie, leur art et leur sexualité.

Emilie Jouvet, The Apple, vidéo, 2008
Emilie Jouvet, Too much pussy, film, 2011
Emilie Jouvet, Too much pussy, film, 2011
Un livre sur l'ensemble de la production photographique d'Emilie Jouvet paraîtra courant janvier 2014. Trois images en sont extraites. 

Emilie Jouvet, Leaves, Marseille, 2013

Emilie Jouvet, Anneke's Moustache, Paris, 2009
Emilie Jouvet, Etaïn fresh out of the water, Homosexual Summer Conference, 
Marseille, 2007

Session 3, 3 janvier 2014

Photographies de la session 3 du vendredi 3 janvier 2014

Avec : Jean-Christophe Arcos (Chargé de mission Culture/Politique de la ville à la Mairie du 11e et commissaire d'exposition)Joan Ayrton (artiste), Pierre Bal-Blanc (directeur du CAC Brétigny), Eva Barto (artiste), Rebecca Chaillon (actrice et performeuse), Géraldine Gourbe (philosophe, professeur à ESAAA à Annecy et programmation du cycle de conférence "Sexe, genre et coconuts"au FRAC Lorraine), Emilie Jouvet (réalisatrice et photographe), Sara Lefebvre (artiste), Cyril Verde (artiste), Virginie Yassef (artiste), accompagnés par Mikaela Assolent et Flora Katz

Mise en espace de la session 3


Géraldine Gourbe présente les quatre stades de l'expérience du consciousness raising selon Pamela Allen
Joan Ayrton et Virginie Yassef préparent une confiture à l'orange

Sara Lefebvre, scottish eggs
Emilie Jouvet, The Apple, film, 6 minutes, avec Wendy Delorme, musique de Mz Sunday Luv, co-designer du plateau: Judy Minx



Rebecca Chaillon, performance "Le Monstre de la Femme"

Jean-Christophe Arcos,  édition TROUBLE / Commissariat : Jean-Christophe Arcos / Production : Flash Cocotte / Société Secrète /



Cyril Verde présente son projet en collaboration avec Eva Barto, à partir du protocole qu'il a réalisé intitulé The choices Obama (and my 4-year-old son) won't make
 
La confiture de Joan Ayrton et Virginie Yassef est prête 


Pierre Bal-Blanc présente le travail de l'artiste viennois Hans Scheirl






Léna Monnier, Hydra Life

Tobias Kaspar, Hydra Life, courtesy Tobias Kaspar and Silberkuppe, berlin

Je parlerai à partir de la vidéo Hydra Life de Tobias Kaspar.
Je l'ai découverte grâce à un lien dans ma boîte mail, juste après avoir reçu celui de l’appel à participation au projet. Elle est un prétexte et une coïncidence, mais pas seulement. Elle se prêtera ici aux projections.
La caméra filme le tissu blanc d’une manche de peignoir. Un zoom arrière découvre le visage d’une femme face à un miroir. Un petit pot de crème est posé sur le rebord d'un lavabo. La vidéo dure 29 minutes, le rythme est lent.  On y voit, en plans rapprochés, le visage de la femme et ses mains qui appliquent la crème. Les couches successives ne parviennent pas à pénétrer totalement la peau et lui laissent un masque blanc. À force, la peau s'irrite et rougit. La femme semble de plus en plus triste à contempler son visage dans le miroir.
 
Tobias Kaspar m'a expliqué s’être inspiré d’un livre qui fait le parallèle entre l’architecture et le vêtement ; tous deux façonnent ou induisent les comportements de leurs usagers. Ici, le white cube est là, la robe de chambre blanche. La caméra qui effleure joue le même rôle que la crème appliquée sur le visage. Elle reste à la surface.

En visionnant ce film, j’ai trouvé un écho à notre première conversation, au cours de laquelle nous avions évoqué le livre Beauté Fatale : les nouveaux visages de l’aliénation (2012) écrit par Mona Chollet. Dans ces pages, l’auteur développe une analyse historique de la création des centres commerciaux qui ont participé activement à la fonction de consommer qui incombait aux femmes mariées au début du 20ème siècle ; ce à quoi la première vague du féminisme a répondu par une lutte des femmes pour leur reconnaissance et pour obtenir leur indépendance économique.

« Les femmes, rappelle la sociologue américaine Laurie Essig, ont une histoire particulière avec la consommation. Les femmes blanches de la classe moyenne ont été les premières à être délivrées du devoir de production pour aller faire du shopping. (…) Ces femmes cessèrent de fabriquer le savon ou les vêtements à la maison : elles se rendirent dans les grands magasins, ces palais du désir, et initièrent cette révolution aujourd’hui connue sous le nom de “société de consommation”. » Dès le début, le marché fit d’elles ses cibles privilégiées, leur vendant de la beauté et du bien-être. Non sans conséquences : « Il est désormais difficile de se représenter un monde où la beauté n’est pas un produit. Après plus d’un siècle passé à acheter de la beauté, comment pouvons-nous encore imaginer qu’elle a un jour existé en dehors du marché ? »[1]  
La femme dans la vidéo de Tobias Kaspar est silencieuse, absorbée par l'action de faire pénétrer la crème Dior à la surface de sa peau, faisant face au miroir dans lequel elle ne peut trouver plus de soutien que son propre reflet. Comme si, confrontée aux impératifs socio-économiques, elle ne pouvait s'en remettre qu'aux promesses du marketing : vieillir plus jeune. Mais seule ?

Dans les médias, on entend surtout la voix d’un féminisme qui répète que les femmes peuvent être des chefs d’entreprise comme les autres, accéder comme les hommes au pouvoir et qui se réjouit de voir plus en plus de femmes faire l’ENA ou se spécialiser dans le nucléaire, la voix d’un féminisme qui veut participer au monde tel qu’il est et tel qu’il ne va pas. Pourtant, le féminisme devrait être une position depuis laquelle penser un autre modèle de société.

Dans Les faiseuses d'histoires. Que font les femmes à la pensée ? (2013), Vinciane Despret et Isabelle Stengers s’attachent, dans les parties intitulées  « Pas en notre nom »  et « Créer un Nous », à rappeler l’apport de Virginia Woolf qui écrivait en 1937 qu’il ne faut pas rejoindre cette « procession d'hommes chargés d'honneurs et de responsabilités ».

Nancy Fraser pose, elle, la question de la représentation politique de la femme qui lui semble actuellement le levier le plus important dans la lutte pour la justice sociale. Elle rappelle aussi à toutes fins utiles qu’en l’absence d’une nouvelle vague de mobilisations émancipatrices, le féminisme « tel un signifiant vide du bien, au même titre que la démocratie, sera peut-être invoqué pour légitimer des scénarios (…) dont certains feront peu de cas de la justice de genre ».[2]

Dans son documentaire Women Art Revolution (2010), Lynn Hershman raconte la réception artistique et politique de l’œuvre de Judy Chicago, The Dinner Party (74-79) qui introduit votre invitation. On y voit notamment des images d’archives d’une séance du Congrès américain où l’on discute entre hommes du statut artistique ou pornographique de The Dinner Party. Le documentaire qui retrace une histoire des mouvements féministes des années 1970 à 2000, présente également des témoignages d’artistes et d’actrices du monde de l’art à l’époque de l’activisme des années 1970 confrontés à des commentaires contemporains. Avec émotion, Sheila Levrant de Bretteville revient sur l’aventure du Women’s building (Los Angeles, 1971) :
« It just hurts to not have money when you want things so badly. It makes me identify to those who don’t have money, a sense of limitation that economic makes, so powerful and in a way I think we used it wrong when we saw then the dominant culture do not let us have what we have, instead of identification with people who don’t have. I think there was not enough identification with people who don’t have, it is so peculiar, so lacking and vain, and so enable to get them and enable to do some of the things we wanted to do. »

J’aimerais que le féminisme puisse avoir prise sur la société. Il est une position à travailler depuis laquelle penser le monde contemporain, un outil qui permet d’analyser des mécanismes d’aliénation, une force de proposition pour augmenter les libertés.
D’autant qu’il y a aujourd’hui des courants, des théories, des outils d’analyse, une critique, une histoire, c’est un mouvement qui a tout autant à voir avec l’éducation, la culture et qui implique qu’on s’y forme. 

Tobbias Kaspar, au cours de l’échange au sujet de Hydra Life, raconte que le nom de la crème d’après laquelle il a nommé son film l’a poussé à faire des recherches sur la figure de l’Hydre. Il se trouve que cette redoutable créature qui dans la mythologie de la Grèce antique habitait les royaumes aquatiques et les marais est devenue au cours de la Révolution française une métaphore de l’aristocratie et des possédants. Ailleurs, elle a incarné le désordre et la sédition, la figure du mouvement et de la résistance des multitudes révolutionnaires.


[1] Laurie Essig, American Plastic: Boob Jobs, Credit cards, and Our Quest for Perfection, 2010
[2] « Le féminisme, le capitalisme, une ruse de l’histoire », in Le féminisme en mouvements. Des années 60 à l’ère néolibérale, p.303

Léna Monnier, janvier 2014, texte écrit pour la session 2. 






Aurore Le Duc, Toubab Mangu vous salue bien !


































L’artiste Aurore Le Duc est un pur produit « made in Cergy » comme elle se présente elle-même parfois. Un environnement de béton qui l’a façonnée et parce qu’une école d’art y est implantée, a décidé de son avenir d’artiste.

Pour la session 2, elle a présenté une performance en forme de stand-up où la parole et les gestes viennent articuler différents discours : récit autobiographique, textes théoriques ou littéraires (Teresa de Lauretis, Frantz Fanon et Annie Ernaux), et passages chantés ou chorégraphiés (Tupac Shakur et Anthony and the Johnsons notamment). L’artiste s’y raconte à la confluence de différentes réalités et expériences. Elle fait voir ce collage culturel indiscernable par lequel tout vécu émerge, traversé par des forces plurielles parfois divergentes.

Par potentiel épistémologique radical, j’entends la possibilité (…) de concevoir le sujet social d’une manière différente : un sujet construit dans le genre, bien sûr, pas seulement par la différence sexuelle, mais plutôt à travers les langages et les représentations culturelles ; un sujet en-genré dans l’expérience de la race, de la classe et des relations sexuelles ; un sujet, par conséquent, qui  n’est pas unifié mais plutôt multiple, et non tant divisé que contradictoires. 
Teresa de Lauretis, Théories queer et culture populaire, De Foucault à Cronenberg, p. 40 *

L’identité s’appuie ici moins sur des faits que sur des processus de sublimation et de projection où l’on est autant ce que l’on croit être que ce que l’on aimerait être, faisant de chacun une personne en devenir et en suspend. Aurore Le Duc décrit un processus de construction de soi discordant où l’on peut s’identifier à un personnage et à son contraire, où l’on devient copie de copie et où l’identité est une expérience par définition inauthentique, dénaturée, au service d’une stratégie d’intégration à un groupe. Ce qui l’amène à complexifier un donné en apparence aussi simple que “femme blanche hétérosexuelle” en un énoncé non identifié, non répertorié tel que “sénégalaise blanche transgenre de banlieue”.

one day I'll grow up
I’ll be a beautiful woman
one day I'll grow up
I’ll be a beautiful girl

but for today I am a child
for today I am a boy
Antony and the Johnsons, « For Today I Am a Boy »*

Dans une autre performance ("I like to watch", 2012), Aurore Le Duc déclame un texte d'Yves Michaud tout en reproduisant la chorégraphie de Beyoncé "Single Ladies". Son corps est habité par ces deux formes de discours qui viennent tour à tour le contraindre, lui permettre de s’exprimer et peu à peu l’épuisent. Lequel de ces deux exercices est le plus naturel à ce corps ? L’indécidabilité est ce que permet la performance. Face à nous, des gestes, des paroles, des tensions musculaires imperceptibles. Combien de ces détails sont joués ? Quels sont ceux qui échappent ? Où se situe la ligne de démarcation entre l’image consciemment maitrisée par l’artiste d’elle-même et ce qui la traverse malgré elle ? 

* Extraits utilisés par Aurore Le Duc dans sa performance « Toubab Mangu vous salue bien ! ».