L’artiste Aurore Le Duc est un pur produit « made in Cergy » comme elle se présente elle-même parfois. Un environnement de béton qui l’a façonnée et parce qu’une école d’art y est implantée, a décidé de son avenir d’artiste.
Pour la
session 2, elle a présenté une performance en forme de stand-up où la parole et
les gestes viennent articuler différents discours : récit
autobiographique, textes théoriques ou littéraires (Teresa de Lauretis, Frantz
Fanon et Annie Ernaux), et passages chantés ou chorégraphiés (Tupac Shakur et
Anthony and the Johnsons notamment). L’artiste s’y raconte à la confluence de
différentes réalités et expériences. Elle fait voir ce collage culturel indiscernable
par lequel tout vécu émerge, traversé par des forces plurielles parfois divergentes.
Par potentiel
épistémologique radical, j’entends la possibilité (…) de concevoir le sujet
social d’une manière différente : un sujet construit dans le genre, bien
sûr, pas seulement par la différence sexuelle, mais plutôt à travers les
langages et les représentations culturelles ; un sujet en-genré dans
l’expérience de la race, de la classe et des relations sexuelles ; un
sujet, par conséquent, qui n’est
pas unifié mais plutôt multiple, et non tant divisé que contradictoires.
Teresa de Lauretis,
Théories queer et culture populaire, De
Foucault à Cronenberg, p. 40 *
L’identité s’appuie ici moins sur des faits
que sur des processus de sublimation et de projection où l’on est autant ce que
l’on croit être que ce que l’on aimerait être, faisant de chacun une personne
en devenir et en suspend. Aurore Le Duc décrit un processus de construction de
soi discordant où l’on peut s’identifier à un personnage et à son contraire, où
l’on devient copie de copie et où l’identité est une expérience par définition
inauthentique, dénaturée, au service d’une stratégie d’intégration à un groupe.
Ce qui l’amène à complexifier un donné en apparence aussi simple que “femme
blanche hétérosexuelle” en un énoncé non identifié, non répertorié tel que “sénégalaise
blanche transgenre de banlieue”.
one day I'll grow up
I’ll be a beautiful woman
one day I'll grow up
I’ll be a beautiful girl
but for today I am a child
for today I am a boy
I’ll be a beautiful woman
one day I'll grow up
I’ll be a beautiful girl
but for today I am a child
for today I am a boy
Antony and the
Johnsons, « For Today I Am a Boy »*
Dans une autre performance ("I like to watch",
2012), Aurore Le Duc déclame un texte d'Yves Michaud tout en reproduisant la
chorégraphie de Beyoncé "Single Ladies". Son corps est habité par ces
deux formes de discours qui viennent tour à tour le contraindre, lui permettre
de s’exprimer et peu à peu l’épuisent. Lequel de ces deux exercices est le plus
naturel à ce corps ? L’indécidabilité est ce que permet la performance. Face à
nous, des gestes, des paroles, des tensions musculaires imperceptibles. Combien
de ces détails sont joués ? Quels sont ceux qui échappent ? Où se situe la
ligne de démarcation entre l’image consciemment maitrisée par l’artiste d’elle-même
et ce qui la traverse malgré elle ?
* Extraits utilisés par Aurore Le Duc dans sa
performance « Toubab Mangu vous salue bien ! ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire